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Évaluation de l'article

III. — Rôle et influence dans les dynamiques de décision publique en matière environnementale


Afin de prendre part au débat législatif et réglementaire, les représentants d’intérêts, qu’ils se revendiquent plaideurs ou lobbyistes, cadrent leur argumentaire auprès des décideurs publics (A) accompagné, pour influencer et convaincre, d’un éventail d’actions (B) déterminées en fonction de la position dans laquelle ils évoluent dans leur organisation (C).

A. — Le cadrage de l’argumentaire auprès des décideurs publics

1. — L’argumentation et la conviction à l’épreuve du temps législatif et réglementaire

D’après l’économie générale des entretiens que nous avons réalisés, il apparaît que les plaideurs et les lobbyistes ont un même but, celui d’informer au bon moment les bonnes personnes selon un principe des 3 R : « The Right argument to the Right person at the Right moment »[1] utilisé aux États-Unis.

Cette même somme d’entretiens nous permet de confirmer notre intuition. Les personnes ciblées par les lobbyistes et les plaideurs sont, directement ou non, les parlementaires, les conseillers ministériels (et les ministres) et les membres de l’administration (particulièrement l’administration centrale, notamment au niveau direction générale), mais également l’espace médiatique et l’écosystème des parties-prenantes en général. Mais les personnels politiques restent une audience particulièrement prisée sous la Ve République (avec un attrait fort tant pour les cabinets ministériels que pour les parlementaires, quoique certains tendent à concentrer leurs efforts sur les ministères et quelques députés).

Pour autant, prisées ne veut pas dire exclusives : car en réalité députés et sénateurs (pour ne pas parler des exécutifs locaux) sont largement sollicités. Chargés par leurs concitoyens de rédiger, discuter, amender, voter les lois proposées sous forme de projets ou de propositions de lois, l’Assemblée nationale et le Sénat sont largement ciblés par les représentants d’intérêts — qu’ils se revendiquent « plaideurs », « lobbyistes » ou autre. Surtout, les représentants d’intérêts mesurent l’intérêt du rôle de contrôle du Parlement, qui permet de mettre un sujet à l’agenda de façon discrète (questions écrites) ou plus visibles (questions d’actualité) mais aussi sur des mesures précises (avec l’« inscription à l’article » lors d’un débat législatif) ou sur des politiques publiques (auditions en mission d’information voire témoignage en commission d’enquête).

Pour ce faire, les représentants d’intérêts vont présenter leurs arguments de manière particulière afin de véhiculer un message. L’angle choisi doit donc être en adéquation avec le type de message, le contexte de diffusion du message (quelle instance ? quelle temporalité décisionnelle ?), tout en appréhendant le récepteur dont la perception de l’argumentaire dépendra tant des moyens utilisés que de la description du rôle et des intentions du représentant d’intérêts (cf. supra).

Ainsi, comme le considère un ancien membre de cabinet ministériel ayant officié au sein du cabinet d’un ancien ministre chargé de l’environnement, la stratégie, pour tout représentant d’intérêt, est de pouvoir concilier une phase dite de « plaidoyer » pour faire comprendre les grands enjeux des positions prises puis une phase de « lobbying structurée » et argumentée en tentant de convaincre les décideurs publics tant par les ambitions que par une « boîte à outils »[2]. Autrement dit, tant le lobbying que le plaidoyer ne pourront être portés que s’ils versent aux débats des solutions complémentaires ou alternatives aux mesures proposées par les décideurs publics ; fondées sur des arguments économiques, environnementaux et techniques.

Si le but est de dénoncer, alors un cadrage sur le risque sanitaire, social et environnemental au sens large sera plus approprié. Si le but est d’influer de façon rationnelle, alors un cadrage économique sera plus adapté afin de s’attirer les faveurs d’un choix pesé, opéré par les décideurs publics.

Ainsi, les ONG et associations auraient tendance à publier des rapports alarmistes, car cela tient à leur objet et terrain d’expertise, en se basant sur des profils d’experts pour confirmer le cadre du risque sanitaire, sociale et environnemental.  Rapports qu’ils reprendront tant auprès des décideurs publics qu’auprès du grand public, permettant ainsi aux médias de relayer facilement les informations. Les pouvoirs publics sont alors directement sollicités (voire mis « sous pression ») par les éventuels militants, adhérents, ou sympathisants.

Dès lors, une association environnementale qui utilisera l’outil du rapport public ou de la pétition en ligne pourra tenter de mettre en avant une certaine légitimité populaire qui permettra de mieux faire reconnaître son action ; là où l’entreprise n’aura pas ce même capital présumé de légitimité populaire mais étayera avec des chiffres et propos étayés économiquement ; permettant ainsi aux destinataires de l’argumentaire de marier les deux points de vue. C’est là tout le rôle du parlementaire et du représentant d’intérêts : faire rencontrer des pans de la société qui dialoguent peu pour conjuguer, dans le dialogue législatif et réglementaire,[3] enjeux environnementaux et intérêts économiques des parties prenantes.

Figure 3 Influence, conviction et outils de la représentation d’intérêt à l’épreuve du temps politique, législatif et réglementaire

2. — L’amendement parlementaire ou la reconnaissance des représentants d’intérêts dans la fabrique de la loi

Avec l’apparition puis la généralisation de la communication technique,[4] le législateur ne peut se limiter, encore moins que par le passé, à une interaction avec le pouvoir exécutif : la technicité des enjeux actuels, d’autant plus sur les sujets environnementaux, l’amène à dialoguer avec des interlocuteurs des secteurs publics et privés. À l’instar du système politique anglo-saxon, et des pratiques du Parlement européen, le Parlement français s’est ouvert davantage aux groupes d’intérêt, devenus depuis très longtemps indispensables au travail parlementaire et constituant une source d’information et de réflexion utile aux délibérations.

En parallèle, face aux « demandes de transparence » de la société civile et au développement des « données ouvertes » (ou « open data ») au sein des institutions étatiques contemporaines comme dans les instances européennes et internationales, le principe de transparence s’enracine légitimement et progressivement. Des organisations comme Transparency international militent dans ce sens et souhaitent par exemple que le traçage des amendements (communément appelé « sourcing », l’objectif étant de savoir quelle organisation a participé à l’élaboration d’une proposition d’amendement) soit systématique, quand un parlementaire défend un amendement qui lui a été suggéré par une organisation (cf. supra I.A.3).[5]

Cette pratique, actuellement volontaire en France, peut sembler ainsi apparaître comme une réponse à la demande de transparence qui serait l’une des solutions aux maux que traversent les démocraties occidentales et un objectif pour tendre vers un « bon gouvernement. »[6] Néanmoins, « ce consensus apparent »[7] révèle des problématiques bien plus complexes et pouvant porter atteinte à l’État et à son fonctionnement. Particulièrement, cela pourrait se traduire par la remise en cause la liberté parlementaire (et de la tradition de standing for des élus français). Tout l’enjeu du sourcing est de ne pas créer une sorte de mandat impératif moral (plus que juridique) qui ferait d’un élu l’avoué de son électorat, mandaté pour la tenue stricte de ses promesses.

Il est donc nécessaire de trouver un équilibre dans l’encadrement des pratiques exercées par les représentants d’intérêts et le personnel politique afin d’éviter de glisser vers une « tyrannie de la transparence »[8] qui n’est, selon certains, pas « l’intérêt général »[9] — sans être un gage d’intelligibilité et de clarté. Se pose dès lors la question de savoir si le sourcing peut être vue comme un remède pour restaurer la confiance des citoyens dans l’action publique ?

En effet, la traçabilité des amendements, défendue par les associations citoyennes ou même par certains parlementaires, est aujourd’hui au cœur du débat sur les questions de transparence au sein du Parlement. Si l’obligation du sourcing est mise en œuvre, elle obligerait les parlementaires à mentionner les noms des entreprises, des organisations, des représentants d’intérêts avec lesquels ils ont travaillé dans l’élaboration d’un amendement. Pour certains, cette mesure romprait avec l’opacité de la provenance des amendements ; pour d’autres cette pratique serait contraire à la liberté de mandat des parlementaires.

Cette « empreinte législative » soulève un certain nombre de questions. Les opposants dénoncent une « police du sourcing » qui ne s’attarderait uniquement sur la source, qu’importe qu’elle soit justifiée ou non, utile pour le pays ou pas. Sans compter que les parlementaires pourraient être dissuadés de défendre une proposition en raison des parties-prenantes ayant contribué à façonner l’opinion que le décideur s’est fait d’un enjeu, parties-prenante dont le niveau d’acceptabilité dans le débat public est par ailleurs trop controversé.

Pour les défenseurs légitimes, cette empreinte législative pourrait mettre fin à une forme d’hypocrisie autour du travail de rédaction d’amendement des parlementaires et poursuivrait ainsi les politiques menées en faveur des citoyens afin de restaurer la confiance dans l’action publique.

Afin d’étudier au mieux cette pratique, nous avons procédé à une analyse quantitative et qualitative des amendements sourcés dans le cadre de l’examen parlementaire de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, connue sous le nom de « loi AGEC ».

Quels sont les acteurs les plus visés dans le sourcing du projet de « loi AGEC » ?

On peut observer une corrélation positive entre la conception que l’opinion publique se fait du « plaidoyer » et les secteurs et acteurs dont les amendements déposés ont été sourcés. En effet, dans le cadre du projet de « loi AGEC », on retrouve un très grand nombre d’amendements sourcés provenant d’acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) comme Emmaüs France, France Nature Environnement ou bien une association spécialisée dans le réemploi de jouets. Dans un article du 20 décembre 2019, le cabinet Communication & Institutions s’est penché sur le sourcing des amendements pour la loi économie circulaire[10] et les chiffres sont plus que explicites. Le top 8 des représentants d’intérêts (en nombre d’amendements déposés sourcés) selon le même article est constitué uniquement d’associations et d’ONG, allant de Zero Waste France à Emmaüs France en passant par Halte à l’obsolescence programmée (HOP) et Surfrider. Plus de 55 % des amendements proviennent d’associations et d’ONG. Ces acteurs comptabilisent ainsi près de 55 % des amendements sourcés, contre 22 % pour les Fédérations et entreprises.

Il semblerait toutefois que la surreprésentation des ONG et associations dans les amendements sourcés n’est pas pour autant une assurance d’avoir une « empreinte » législative sur le texte qui soit absolue, comme l’indique le ratio d’amendements adoptés. On note 13 amendements adoptés pour les associations et ONG contre 10 pour les fédérations et entreprises.

Quels enjeux du sourcing dans le jeu parlementaire ?

Les députés « sourçant » leurs amendements

Au-delà de la provenance des amendements sourcés, on peut souligner la prévalence du sourcing chez certains députés et groupes politiques, plus enclins que d’autres à mettre en avant le travail de « co-construction » de la loi avec des acteurs du secteur.

Parmi les députés avec le plus grand pourcentage de sourcing d’amendements, l’analyse démontre que les deux groupes politiques les plus représentés, La République En Marche et La France Insoumise, sont également ceux qui comportent un grand nombre de députés de primo-entrants. On peut voir une corrélation avec une nouvelle conception de la transparence dans le travail parlementaire. Pour ces nouveaux élus, il n’est pas mal vu de signifier quand un amendement a été proposé par (ou travaillé avec) un représentant d’intérêt, surtout lorsque les acteurs à l’origine de l’amendement sont des parties prenantes d’un sujet débattu dans le cadre des travaux parlementaires.

On constate une surreprésentation des ONG et acteurs associatifs parmi les amendements sourcés dans la loi AGEC. Il apparaît alors que le sourcing peut être considéré viable davantage dans les cas où les acteurs sont mieux “perçus”. La loi AGEC est le parfait exemple d’un texte concernant une galaxie d’acteurs, pour lequel les représentants d’intérêts issus de l’économie sociale et solidaire et autres acteurs à but non lucratif, ont obtenu de la visibilité dans leurs actions.

Une des raisons de ce sourcing aussi important à l’occasion de la loi AGEC pourrait être que le développement durable est un sujet qui a connu un développement exponentiel ces dernières années, sans pour autant que tous les acteurs de la classe politique s’en soient saisis. Un manque de positionnement idéologique sur certains sujets techniques est tout à fait concevable. Dès lors, l’intervention des acteurs du plaidoyer couplée de l’essor du sourcing – notamment en faveur des acteurs perçus comme d’intérêt général – assure une loi AGEC marquée par cette « empreinte législative » d’un genre nouveau.

Les députés qui ont le moins sourcé d’amendements

Le sujet du sourcing est complexe, car à partir du moment où certains amendements sont transmis par des acteurs externes à la représentation nationale, la question de l’influence peut se poser dans la rédaction même des amendements : sont-ils la production réelle du député, le fruit d’une réflexion partagée avec l’acteur externe ou un copier-coller d’un amendement suggéré ? Une fois la mécanique du sourcing enclenchée par un nombre grandissant de députés, il revient de s’interroger sur ceux qui ne sourcent pas. Est-ce par expérience politique et technique : les députés n’ont pas à sourcer quand ils sont à l’origine de tous leurs amendements ?

Un parti-pris d’analyse pourrait revenir à considérer la dimension « conservatrice » de certains élus par rapport au sourcing, qui pourrait être pris comme un dévoiement de la fonction d’élu national. La conception républicaine de certaines élus, en tant que représentant des citoyens faisant et votant les lois, pouvant être difficilement conciliable avec la pratique du sourcing. Cette théorie semble vérifiable car les députés ayant présenté la plus faible proportion d’amendements sourcés appartiennent aux groupes politiques Les Républicains (LR), UDI et indépendants (UDI) et Gauche Démocrate et Républicaine (GDR). Bien que présents sur différents bords de l’échiquier politique, ces partis ont en commun une ancienneté tant dans le paysage politique de leur corpus idéologique que dans leurs représentants, avec des élus plus expérimentés.

Pour autant, l’absence de sourcing des amendements ne doit pas être prise pour une absence d’amendements proposés par des représentants d’intérêts auprès de certains groupes. Sans sourcing il est complexe – impossible – d’évaluer l’existence et/ou le nombre d’amendements proposés par des représentants d’intérêts puis repris par des parlementaires. Au-delà du conservatisme supposé de certains élus, on pourrait ajouter plusieurs hypothèses expliquant le moindre nombre d’amendements sourcés chez certains groupes politiques et notamment la capacité d’un député à faire passer un amendement ou bien la dimension consensuelle, ou non, du représentant d’intérêts permettant une visibilité.

Analyse de la sémantique employée dans le sourcing

Si dans un imaginaire collectif, l’on peut penser que rattacher des amendements aux associations environnementales et ONG est plus acceptable que d’affirmer l’influence de représentants d’intérêts de secteurs industriels, il est une atténuation à apporter.

Certes, la première assertion n’est pas fausse, puisque l’on observe que les représentants d’intérêts les plus fréquemment sourcés sont les associations et ONG, loin devant les entreprises. Un parlementaire aura davantage de facilité à assumer publiquement l’inspiration d’un amendement par une association ou une ONG, qui porte une grande légitimité liée à son implication sur le terrain au plus près des populations ou de l’environnement, d’autant plus si l’action de l’entité sera mise en avant dans la circonscription dudit parlementaire. Pourtant tous les amendements inspirés par les ONG ne sont pas sourcés, et tous, lorsqu’ils le sont, ne le sont pas de la même manière.

Ainsi, un nouveau palier de complexité est atteint lorsque le sourcing est réalisé. Il porte sur le champ sémantique adopté pour amener l’identification des représentants d’intérêts concernés par l’amendement.

En effet, s’il revient sans obligation aux parlementaires, afin de « ne pas entraver leur liberté, ni être inconstitutionnelle »[11], d’indiquer si l’amendement a été « proposé par », « suggéré par », « inspiré de », « porté par » ou « travaillé avec » tel représentant d’intérêts, le choix du verbe introduisant dans l’exposé des motifs le nom de ce représentant traduit encore bien souvent la timide pratique du sourcing. Il convient ainsi d’observer de plus près ce que peut signifier cette variété sémantique.

Lorsque l’on dépose un amendement « travaillé avec » une ONG, la locution préposale « avec » marque la réunion, l’association, l’accord. Le parlementaire semble dire qu’il a réalisé « de concert avec » l’ONG un effort réflexif et qu’il veut porter l’amendement après une analyse et une réflexion aboutie. Cette expression de « travailler avec » traduit finalement une bonne collaboration entre ONG et parlementaires dans des politiques publiques plus justes, qui serait profitable à la société tout entière. Pourtant, certains amendements « travaillés avec » des ONG sont identiques à d’autres amendements dont on indique qu’ils ont été « proposés par » des ONG. Pour exemple l’amendement CD698 déposé par la rapporteure Graziella Melchior est signifié comme avoir été travaillé avec l’ONG, sous-entendant qu’il y a eu un travail de reprise, alors qu’il est absolument identique à l’amendement CD1393 déposé par le député
Matthieu Orphelin qui inscrit dans l’exposé des motifs que « cet amendement a été proposé par » une association.

Il s’agit bien d’un effort dans la perception que veut donner le parlementaire, exempli gratia Barbara Pompili, alors députée, qui a déposé pour la loi AGEC vingt-quatre amendements dont dix-huit sont notifiés avoir été « travaillé avec » des ONG, et tout particulièrement avec Zero Waste France. Son amendement CD1559 est sensiblement le même que l’amendement CD1532 déposé par le député Damien Adam. Pourtant si ce dernier précise que l’amendement a été « proposé par Surfrider », madame Pompili indique l’avoir « travaillé avec Zero Waste France » ; ce qui nous n’assure pas que l’origine est la même mais laisse cependant la question en suspens.

L’on apprend également par l’effort de sourcing que tous les amendements inspirés par les ONG ne sont pas sourcés. En effet, l’on peut relever plusieurs amendements identiques qui ne bénéficient pas de la même transparence. Alors même que les amendements sont identiques, pour certains, la source est explicitement indiquée et pour d’autres non, et ce, sans raison apparente dans leur rédaction. Les exemples sont nombreux : l’amendement CD1532 trouve un jumeau en l’amendement CD1739 qui n’est pourtant pas du tout sourcé. L’amendement CD1226 de Mathilde Panot est à peu près identique à l’amendement CD580 non sourcé d’Huguette Tiegna. De nombreux amendements sont similaires au CD793 déposé par le député Vincent Thiébaut, pourtant si la source est indiquée pour ce dernier, les autres en sont vides comme par exemple le CD420 ou encore le CD986. L’on peut hasarder une interprétation politique de ce que le parlementaire qui reprend un amendement, l’assume, se l’approprie et finalement, il lui appartient, et ce, peu importe celui qui l’en inspire. Mais une autre bizarrerie apparait avec l’amendement CD1012 dont la source est bien apparente, et l’amendement CD838 pour lequel la source est manquante, alors même qu’ils similaires avec à peu près les mêmes signataires, et pour seule différence l’échéance de la mesure pour 2022 pour le premier et 2021 pour le second. Une nuance est cependant à apporter, les amendements pouvant être transmis à plusieurs députés par des représentants d’intérêts travaillant pour des clients relativement proches, par exemple des entreprises d’un même secteur qui s’adressent à des élus de circonscriptions différentes.

Nous pouvons ainsi nous interroger sur la pertinence de cette distinction pour motiver le fait de sourcer un amendement ou non. Ainsi, tant côté ONG qu’entreprise privée, un amendement peut être proposé en précisant la source dans l’exposé des motifs, le parlementaire fait ensuite le choix de conserver ou non cet exposé, sans que le représentant d’intérêt ait prise dessus. Dès lors, seul l’élu est juge du sourcing ou non de son amendement, motivé par une volonté politique, une méthode de travail spécifique avec ses collaborateurs, un désintérêt pour une nouvelle tâche bureaucratique ou une erreur dans la saisine de son amendement.

La pratique du sourcing apparaît encore timide, et la manœuvre sémantique le traduit parfaitement. Le louable souci de transparence et de traçabilité de la décision publique se voile encore quelque peu dans ces considérations rédactionnelles.  Les prochains épisodes législatifs, notamment la loi climat et résilience, nous montreront si ce sourcing reste majoritairement au profit des associations environnementales ou si des sociétés privées viennent à s’en saisir, et faire la promotion de leurs amendements, par opportunisme ou par transparence.

3. — L’implication des représentants d’intérêts dans la loi de finances : le cas d’étude du plan de relance français

La loi de finances est un cas d’étude à part dans l’analyse de la représentation d’intérêt, mêlant à la fois plaidoyer et lobbying, dans un espace-temps plus large que la fenêtre réduite des débats parlementaires.

En effet, la loi de finances étant un évènement annuel, la « stratégie de marronnier » des représentants d’intérêts doit intégrer les enjeux des finances publiques tout au long de l’année dans une phase tant de plaidoyer, que de lobbying, pour convaincre au mieux les décideurs publics de leurs arguments tant sur les orientations que la répartition des enveloppes budgétaires.

Crise covid oblige, l’année 2020 a été particulière dans le secteur des affaires publiques (cf supra I.A.3 et I.C). Cette particularité s’est notamment illustrée dans les débats sur le plan de relance français, exercice inédit depuis le plan de relance de 2008-2009, avec des restrictions sanitaires bouleversant la représentation d’intérêts, tant sur les outils et pratiques, que sur le verdissement des budgets.

Cet épisode de représentations d’intérêts est d’autant plus intéressant dans le cadre de cette étude que les enjeux environnementaux et la place des acteurs privés pour accélérer une transition verte et juste pour répondre à la crise sanitaire ont été au centre des débats. Cela s’est notamment illustré sur les dispositifs de soutien aux entreprises, et plus particulièrement sur l’éco-conditionnalité des aides publiques.

Alors que les représentants d’intérêts privés mettent en avant la nécessité de soutenir en priorité la reprise de l’activité économique, les associations environnementales exhortent le gouvernement à axer les plans de soutien sur les secteurs d’activités favorables à la transition écologique au détriment des industries polluantes, notamment la filière aéronautique.

La filière aéronautique, qui représente un chiffre d’affaires de 58 milliards d’euros et emploie directement 320 000 personnes, a subi un arrêt brutal de son activité en raison des mesures de restrictions liées à la pandémie. Le trafic aérien a chuté de près de 70% en France, plongeant les compagnies, les aéroports et les services associés (constructeurs, maintenance, sous-traitants) dans une crise majeure. L’Association internationale du transport aérien (IATA) estime à 100 milliards d’euros les pertes du secteur aérien pour 2020[12].

Afin de soutenir la filière et préserver l’emploi, le gouvernement a mis en œuvre un plan de soutien à l’aéronautique. A ce titre, des aides publiques ont été octroyées aux entreprises en difficultés en échange de contreparties environnementales et sociales. Les objectifs poursuivis sont multiples : préserver les compétences françaises et les savoir-faire, tout en impulsant les profondes transformations à réaliser en faveur de la transition écologique. Toutefois, les pouvoirs publics ont dû allier, au sein du plan de soutien pour l’aéronautique, les intérêts économiques de la filière aux revendications des militants écologistes.

D’une part, les écologistes s’opposent au soutien à la filière aéronautique dont ils jugent l’activité antinomique aux objectifs de développement durable. Ces derniers regroupent des associations (Greenpeace, Réseau Action Climat, les Amis de la Terre, Oxfam), des partis politiques (EELV) et décideurs politiques. Les mouvements écologistes sont significativement représentés auprès des gouvernements et des institutions européennes, notamment par la European Federation for transport and Environnement (T&E)[13], qui est ouvertement hostile au transport aérien. Les militants écologistes plaident pour une filière européenne sociale et verte à travers une double stratégie : médiatique (conférence, pétition, publications, actions fortes) et politique (évènements – Convention Citoyenne pour le Climat, dépôts d’amendement). Dans le cadre des plans de soutien, les actions menées visent à faire basculer le rapport de force en leur faveur afin de conditionner les aides publiques à un plan de réduction des fonds d’émissions de gaz à effet de serre et à la sortie programmée des secteurs d’activités les plus néfastes.

D’autre part, les compagnies aériennes multiplient les actions auprès des décideurs politiques, via les groupes de représentations (GIFAS, IATA, A4E), afin de bénéficier de soutiens financiers, notamment des prêts garantis par l’État.  Vilipendés par les militants écologistes, les entreprises du secteur aéronautique communiquent sur les initiatives en matière environnementale et sociale mises en œuvre en interne ainsi que sur les récentes innovations, notamment dans le domaine des biocarburants. Une stratégie de communication qui semble être une réponse directe aux militants écologistes, très virulents à l’encontre du secteur aéronautique.

Par ailleurs, les compagnies aériennes mettent en avant les enjeux liés à leurs activités : enjeux économiques, sociaux, territoriaux et sociaux. Les pouvoirs publics ne souhaitent pas mettre en péril le savoir-faire de cette industrie ni obérer ses capacités de rebonds et d’innovation. Ainsi, si les arguments écologiques font actuellement l’unanimité d’un point de vue scientifique, les pouvoirs publics sont sensibles aux externalités positives de la R&D des entreprises de l’aéronautique sur le long terme. Il s’agit là d’une illustration parlante de la difficulté même à définir et circonscrire la notion d’intérêt général (cf infra I.B.1) et différencier les représentations d’intérêts. La crise sanitaire a exacerbé les tensions déjà existantes entre les acteurs de la filière aéronautique et les écologistes et radicalisé les postures. Une réelle bataille se joue, par lettres interposées, entre les représentants d’intérêts du secteur et les défenseurs d’une mobilité propre autour du « plan’aéro ». La représentation d’intérêts des industriels : l’urgence de la relance économique

Les entreprises, aux prises avec la crise sanitaire et économique, plaident pour plus de flexibilité dans l’application des règles environnementales actuelles et demandent le report des initiatives non essentielles, appelant en particulier à repousser la fixation des nouveaux objectifs de réduction pour 2030, en lien avec les discussions de la Convention Citoyenne pour le Climat portant sur les mobilités.[14]

Estimant que les régulations environnementales constituent un « frein pour sortir de la crise économique », l’Association française des entreprises privées (Afep) a adressé une lettre à la Commission européenne pour proposer un moratoire sur la révision de la directive sur les émissions industrielles de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, assurant que « ce n’est pas le moment de modifier un cadre juridique qui est efficace et a fait ses preuves ». Le 3 avril 2020, le Medef a adressé une lettre dans le même sens à la ministre de la Transition écologique afin d’obtenir un moratoire de six mois sur la préparation de nouvelles dispositions environnementales et énergétiques, notamment celles élaborées en application de la loi économie circulaire (cf supra III.A.2) et de la loi mobilité. Geoffroy Roux de Béziers, président du Medef, estime que « notre priorité aujourd’hui est de surmonter la crise et de travailler à la survie de nos entreprises [..] nous n’avons pas la disponibilité suffisante pour répondre aux sollicitations de vos services dans le cadre des consultations habituelles à l’élaborations de ces textes ». Des revendications partagées par le BusinessEurope, le lobbying patronal européen, qui avait également demandé des « dérogations temporaires aux règles en vigueur » auprès de la Commission européenne.

Ces démarches coordonnées ont été condamnées par le député Matthieu Orphelin dans une lettre[15] adressée à plusieurs organisations patronales (Medef, Association française des entreprises privées, IATA) dans laquelle il rappelle que « L’Etat doit aider nos entreprises, mais pas au prix d’une régression des normes environnementale ni de son de renoncements sur la transition, y compris pour assurer la rentabilité de nos entreprises ». Dans le rapport « Lobbying, épidémie cachée »[16] (cf supra I.A.3), les Amis de la Terre et l’Observatoire des multinationales avaient alors dénoncé une instrumentalisation de la pandémie par le secteur privé qui, sous couvert d’arguments économiques, bénéficient d’allègements règlementaires.

Plus spécifiquement, la filière aéronautique plaide en faveur d’un assouplissement des normes d’émission et d’une suspension des taxes « vertes » afin de ne pas pénaliser la reprise de l’activité. A ce titre, sa stratégie médiatique consiste à contre-carrer les revendications des écologistes à grand renfort de tribune. Il en est ainsi de la tribune « suppression des lignes aériennes domestiques : où est la concurrence [17]», co-signé par Emmanuel Combe, vice-président de l’autorité de la concurrence, et Paul Chiambarrato, directeur de la Chaire Pégasse[18] pour répondre à la mesure de suppression des vols internes portée par la Convention Citoyenne et relayée dans les médias par les militants écologistes. Il en va de même avec la tribune « Non à l’écotaxe sur le transport aérien! », co-signée par 36 députés, dont Jean Luc Lagleizz et Pierre Cabaré, coprésident du groupe d’études « Secteur aéronautique et spatial », et publiée lors de l’examen du projet de loi de finances 2021[19]. Enfin, dans une tribune «Cesser l’avion-bashing et la tentation du bouc émissaire pour construire l’aviation de demain»[20], Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse, dénonce la journée de mobilisation nationale pour la réduction du trafic aérien organisée par Alternatiba et ANV-COP-21, deux collectifs de défense de l’environnement.

En parallèle des tribunes, des rapports ont été publiés afin de légitimer les propos énoncés par les entreprises du secteur, comme l’étude d’impact socio-économique des propositions issues de la convention citoyenne, publiée par la DGCA[21]. Celle-ci évalue le surcoût lié à l’écocontribution sur les billets d’avion, mesure plébiscitée par les militants écologistes. L’étude est d’autant plus importante que la date de publication, quelques jours avant les réunions de concertation au Ministère de la Transition écologique et solidaire a mis vent debout les ONG, notamment Réseau Action Climat qui avait alors appelé au boycott des réunions de travail[22]. Les militants avaient ainsi dénoncé un rapport de force déséquilibré en faveur du secteur aérien.

La représentation d’intérêts des associations environnementales : l’urgence d’une transition environnementale et sociale

Les militants écologistes, qui dénoncent le lobbying de l’aviation, exhortent les gouvernements à réformer en profondeur le secteur de l’aéronautique. Le 6 avril 2020, 250 ONG internationales avaient alors publié une lettre ouverte adressée aux gouvernements pour que les aides publiques du secteur aéronautique soient conditionnées à un renforcement de la règlementation et à une rénovation du système de taxation[23]. Une campagne intitulée #SavePeopleNotPlanes ainsi qu’une pétition « Non au sauvetage inconditionnel du secteur aérien ! »[24] avaient été lancées concomitamment afin de rassembler l’opinion publique contre le plan de sauvetage du secteur aéronautique sans condition environnementale contraignante. En avril 2020, 180 personnalités (politique, ONG, entreprises) se sont également rassemblées, à l’initiative du président de la commission environnement du Parlement européen, autour d’une « alliance européenne pur une relance verte ». Celle-ci intervient quelques jours après l’appel de ministre de l’Union européenne de placer le Pacte vert européen au cœur du plan de relance post-pandémique de l’Union européenne. 

En France, la campagne « Notre choix »[25], lancée en 2019, bien avant la crise de coronavirus, vise à mobiliser le grand public sur les enjeux environnementaux liées à l’aviation. Cette campagne, qui réunit sept associations environnementales, mobilise l’opinion publique sur l’ensemble des canaux médiatiques. Des actions ont également été menées contre les extensions d’aéroports (Extinction Rebellion, Notre Affaire à Tous) ou l’abandon du recours à l’avion (Résistance climatique) à travers des actions médiatiques fortes. A ce titre, les ONG environnementales (Greenpeace, WWF, Réseau Action Climat) ont multiplié les communiqués sur les différents canaux médiatiques pour dénoncer les « mesures en greenwashing » et le rejet de propositions émanant de la Convention Citoyenne pour le Climat. Réseau Action Climat a notamment publié une analyse sur l’insuffisance des contreparties environnementales adossées au plan de soutien à l’aéronautique « Climat : que vaut le plan du gouvernement pour l’aérien ? ».

Sur le plan politique, les ONG s’insèrent dans le processus législatif, en prenant part au vote et en communiquant pendant le délibéré, afin de convertir leurs revendications en mesures législatives. Il en va ainsi lors de l’examen de la deuxième loi de finance rectificative pour 2020.

Les Amis de la Terre France, Greenpeace France et Oxfam France avaient réclamé d’assortir les aides publiques de conditions contraignantes en matière environnementale et, ainsi, déposé des amendements co-écrit en ce sens. A la suite à l’adoption de la loi, le collectif avait dénoncé l’absence de contreparties environnementales obligatoires[26] à travers une intense campagne médiatique. Une autre proposition d’amendement, visant à définir une stratégie climat adossée à une trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre pour les entreprises bénéficiaires d’aides publiques, avait été déposée lors de l’examen du PLFR3 en juin 2020 par 4 ONG (Oxfam France, Greenpeace France, Fondation Hulot, WWW France).

Son rejet avait donné lieu à la publication d’une lettre ouverte adressée au Premier ministre,
le 28 septembre 2020, par les ONG appelant celui-ci à réexaminer l’amendement en question[27] ; accompagnée d’actions de terrain pour porter ces revendications.

Les pouvoirs publics ont ainsi dû arbitrer, au sein du « plan de soutien aéro », entre les intérêts de la filière aéronautique et les revendications des mouvements écologistes. Air France a bénéficié d’une attention particulière dans le plan de soutien au vu de l’intérêt stratégique nationale de la compagnie

Le cas particulier d’Air France : entre représentation d’intérêts privés et étatiques

Air France est membre des associations représentatives du secteur aérien (IATA, ATAG, A4E, FNAM) qui agissent auprès des autorités et organismes nationaux, européens et internationaux (OACI, Union européenne, ministères de tutelle des transports). Selon le rapport « document d’enregistrement universel 2019 », déposé auprès de l’autorité des marché financier le 17 avril 2020, Air France «s’engage dans un lobbying auprès des autorités françaises et internationales – directement et par le biais des instances représentatives- pour s’assurer qu’elles tiennent compte des efforts déjà déployés par l’industrie pour réduire ses émissions et respecter ses engagements pour 2050. »

La compagnie aérienne, fortement fragilisée par la pandémie, a été l’une des premières entreprises à solliciter l’aide de l’Etat. Les restrictions de déplacements ont en effet eu un impact négatif significatif sur les activités opérationnelles, la situation financière et les résultats de la compagnie, portant la dette du groupe à 11 milliards d’euros[28] fin 2020. Par arrêté du 7 mai 2020[29], le ministre de l’économie et des finances a validé un premier soutien de 7 milliards d’euros à la compagnie aérienne, sous la forme d’un PGE de 4 milliards d’euros et d’un prêt subordonné d’actionnaire de 3 milliards d’euros, à la suite d’une négociation privée entre Bpifrance, le gouvernement et Air France.

Le troisième confinement a donné lieu à de nouvelles négociations entre la Commission européenne, le ministère de l’économie et Air France. Le 6 avril 2021, la Commission européenne a approuvé une opération de 4 milliards d’euros de l’Etat français pour recapitaliser Air France[30] en contrepartie d’une ouverture à la concurrence. Les actions de représentations d’intérêts des associations environnementales d’une part et des organisations syndicales d’autre part ont permis l’instauration de conditions environnementales et sociales à l’opération de recapitalisation d’Air France.

D’une part, les engagements de compétitivité comprennent la cession par Air France de 18 slots, des créneaux de décollages et d’atterrissages quotidiens, à l’aéroport de Paris-Orly à un transporteur concurrent. Ces contreparties ont fait l’objet de négociations acharnées entre Paris et Bruxelles. Initialement Air France devait abandonner 24 slots quotidiens, tel que demandé à Luftansa pour valider un plan d’aide financière. Toutefois, les syndicats sont vent debout face aux conditions de compétitivité émises par Bruxelles, qui viennent s’ajouter aux restrictions nationales sur les vols intérieurs issues de la Convention Citoyenne pour le Climat. Dans un communiqué relayé dans les médias, dix syndicats de la filiale d’Air France ont dénoncé l’« abandon du maillage hexagonal » résultant des contreparties à l’aide publique. Selon eux, Air France a « sacrifié la province sous prétexte de non-rentabilité et sous prétexte de consignes gouvernementales ».

D’autre part, la recapitalisation d’Air France est conditionnée au respect des objectifs de réduction de 50 % des émissions de CO2 d’ici à 2030. Air France, déjà engagée dans la stratégie de neutralité carbone avant la crise, plaide alors en faveur du respect des engagements déjà existants. Un renforcement des normes environnementales risquerait d’obérer les capacités de rebond de la compagnie. Une multiplicité d’évènements a ainsi été organisée pour mettre en avant les initiatives mises en œuvre en matière environnementale. Après la publication des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat en juin 2020, les cabinets d’affaires publiques ont organisé des rencontres autour de la « transition », réunissant élus et industriels ou encore des forums tels que le PARIS AIR forum pour promouvoir l’ambition de l’avion décarboné. Au contraire, les militants écologistes, au-delà des campagnes médiatiques comme Notre Choix, s’engagent dans un durcissement de leurs modalités d’action et de leur projet politique pour dénoncer des engagements écologiques jugés insuffisants.

En octobre 2020, une coalition d’associations environnementales, lancée par Alternatiba et ANV-VOP 21, a lancé un appel à manifester, couplé à des actions de désobéissance civile dans les aéroports de la métropole, #AvionATerre. Cette action rejoint le mouvement suédois #Flygskam ou « honte de prendre l’avion » qui s’étend à travers l’Europe et l’Amérique du nord. Le 26 juin 2020, les militants d’Extinction Rébellion ont envahi les pistes de l’aéroport d’Orly pour perturber sa réouverture. Enfin, les militants de Greenpeace ont repeint un avion d’Air France en vert à Roissy en réponse aux mesures d’éco-conditionnalité votées dans le cadre du projet de loi climat et résilience, qu’ils accusent d’écoblanchiment. Selon Greenpeace, l’article 38 de la loi, qui rend obligatoire la compensation carbone des vols aériens nationaux, est « une manière de faire diversion ». Une critique antérieure à la crise puisqu’Air France avait déjà reçu le prix Pinocchio délivré par les Amis de la Terre pour son projet de compensation carbone à Madagascar. Les militants écologiques accompagnent ces « actions chocs » de publication de rapports visant à légitimer leurs revendications. Il en va ainsi du rapport d’analyse sur les émissions totales de CO2 réalisé par le Réseau Action Climat, avec l’appui technique de Transport & environnement, ou du rapport « Trafic aérien : empêcher le redécollage des vols courts », publié par Greenpeace.

Un autre débat s’est ouvert au sujet des contreparties aux soutiens publics en termes de richesse. En effet, le gouvernement, en réponse aux sorties médiatiques et aux positions prises par les syndicats et la société civile, à appeler les entreprises bénéficiaires d’aides publiques à suspendre les versements de dividendes. De même, Cécile Duflot au nom d’Oxfam, dans une lettre ouverte, avec huit autres signataires représentant différentes associations et syndicats, à l’attention de ministre Bruno le Maire, demande au gouvernement de prendre une ordonnance afin d’empêcher « toutes les entreprises de verser des dividendes, rachats d’actions et bonus aux PDG en 2020, a fortiori pour les entreprises qui bénéficient de fonds publics »[31]. Face à la menace des suppressions d’emploi, les organisations syndicales représentatives (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC) ont également adressé une lettre commune au Premier ministre le 14 octobre 2020, initiative rare regroupant les cinq dirigeants syndicaux, plaidant en faveur de la mise en place de contreparties ex ante juridiquement contraignantes visant à « préserver les emplois, les salaires et les garanties collectives »[32]. Dans un communiqué du 29 mars 2020, l’Afep exhortait également les entreprises concernées d’appliquer la décision du gouvernement d’interdire le versement des dividendes en 2020[33].

Enfin, les ONG réclament la mise en place d’un dispositif pour la transparence du lobbying en France et la création d’un « véritable observatoire indépendant de la réponse à la crise, qui assure la transparence sur les aides publiques directes et indirectes accordées aux entreprises et les marchés et contrats publics passés à l’occasion de la crise » (association les Amis de la Terre). Ils dénoncent notamment le rendez-vous en novembre d’Air France avec le député Laurent Saint Martin, rapporteur du budget ou l’absence de compte rendu sur les contreparties environnementales définies lors de la négociation du PGE entre Air France et le gouvernement.

La conviction et l’influence sur les dispositions environnementales du plan de relance : l’illustration d’une scission dans les pratiques de représentation d’intérêts

Le processus de négociation avec les pouvoirs publics semble avoir été bousculé pour répondre à l’urgence de la crise. Le gouvernement a été contraint à un arbitrage de court terme des mesures d’urgence sur la base des priorités industrielles. L’accélération des processus de décision publique a accentué les asymétries de moyens et d’accès aux décideurs politiques entre les représentants d’intérêts du secteur privé et les organisations de la société civile. Certaines décisions ont été prises en dehors des mécanismes démocratiques traditionnels, notamment l’octroi des prêts garantis par l’Etat supérieur à trois millions d’euros. Il semblerait que les représentants de la société civile aient été exclus des processus décisionnels, là où les acteurs économiques bénéficiaient de relations informelles privilégiées pour négocier les aides publiques.

La crise sanitaire a exacerbé les comportements et radicalisé les positions des groupes de pressions, privés ou associatifs. Les stratégies médiatiques (rapports, tribunes) et politiques (audition, note de position, amendements) ont été utilisées autant dans la défense d’intérêts des entreprises que par les militants écologistes. Ces acteurs recourent aux mêmes outils et stratégies d’influence. Toutefois, des techniques propres à chacun semblent se dessiner dans la bataille autour du plan aéronautique. Alors que les actions non officielles semblent être une des spécificités des représentants d’intérêts privés sur ce sujet précis, du fait notamment de la composition du personnel politique, les « actions choc » sont davantage l’apanage du plaidoyer pour alerter tant la société civile que ce même personnel politique.

4. Le périlleux exercice de la Convention citoyenne pour le climat

En juin 2020, la « Convention Citoyenne pour le Climat » présentait 149 de ses 150 propositions concrètes avec pour ambition d’impulser le tournant écologique de la France (une seule proposition ayant été rejetée en séance par les membres de la convention). Le 10 février 2021, le gouvernement présentait en conseil des ministres un projet de loi dit « Climat & Résilience »[34] afin de donner effet à une grande partie de ces préconisations. Le texte a cependant été fortement amendé et remanié, ce qui a suscité de vives critiques.

À titre d’exemple, l’assouplissement de la proposition visant à interdire la publicité des produits fortement émetteurs de gaz à effet de serre, dorénavant limitée à la seule interdiction de la publicité directe pour les énergies fossiles, a suscité un vif intérêt médiatique, notamment sur l’influence du secteur publicitaire.

Dans un rapport du 8 février 2021[35], l’Observatoire des multinationales a également dénoncé la manière dont les lobbys ont “sapé” dans le projet de loi les propositions des 150 citoyens de la Convention citoyenne. L’influence possiblement exercée par les représentants d’intérêts lors des phases de discussion et négociations des mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat est diverse. Autant les ONG (21%) que les entreprises (22,6%) sont intervenues auprès des membres de la Convention Citoyenne afin de faire basculer l’opinion en leur faveur [36]

Une autre vive critique de l’opposition a porté sur une irrecevabilité et un rejet systématique des amendements qu’elle a formulé.[37] Si le taux d’irrecevabilité des amendements de 26% des amendements développés est haut, il est similaire à celui d’un projet de loi sur une thématique similaire (Énergie-climat en 2019)[38]. Notons également que le taux d’irrecevabilité des amendements portés par les députés LREM est proche du taux moyen. 

Néanmoins, le taux de rejet des amendements, quel que soit leur source parlementaire, est anormalement haut : seuls 10% des amendements ont été adoptés dont seulement 3% des amendements de l’opposition. On note une réticence notable parmi les parlementaires vis à vis de ce projet de loi.

En effet, à l’exercice préparatoire à travers la démocratie directe succède la procédure législative formelle, par la voie de la démocratie représentative. La logique référendaire est ainsi inversée : dans le cadre de l’expérience de la convention citoyenne, l’expression directe n’est pas conçue comme l’aboutissement mais comme les prémices du processus de fabrication de la norme. Précisons que les membres de la convention disposaient également de l’équivalent des administrateurs parlementaires pour traduire en formules légistiques les intentions conventionnelles.

Or, quel que soit le rang de la norme d’application des propositions de la convention (législative ou réglementaire), l’application dépend des institutions ordinaires — lesquelles bénéficient d’une liberté d’action consacrée par la Constitution.[39] Une liberté dont jouit tant le Parlement que l’administration et dont ni l’un ni l’autre n’a souhaité se défaire réellement au profit d’une transposition « sans filtre » du travail conventionnel en droit de mesures dont la transmission elle-même pose question, en lien avec la promesse initiale du Président de la République.

B. — Le répertoire d’actions au service de l’influence et de la conviction

1. — Une convergence des méthodes et des outils ?

« Les ONG sont particulièrement sensibles à l’évolution du lobbying, d’où leur montée en puissance : il y a vingt ans on comptait quelques dizaines d’ONG en prise directe avec les institutions européennes, aujourd’hui on en compte près de 1 600, dont le travail, en termes de méthodes, est tout à fait semblable à celui des autres acteurs. »[40]

En citant Michel Clamen, nous soulignons ici un postulat partagé par de nombreux observateurs : ONG et autres représentants d’intérêts recourent à des outils similaires. Et Guillaume Courty de confirmer :

« Le pôle ONG reconnaît qu’elles sont soumises par le jeu politique, à recourir aux mêmes méthodes. En audition ou en transmission d’amendements, lobbying et advocacy sont amenés à faire la même chose. »[41]

Mais nous avançons aussi une position : si les répertoires d’action se ressemblent en partie, ils n’en restent pas moins distincts. En d’autres termes, les répertoires d’actions du lobbying et du plaidoyer se recoupent mais ne se confondent pas.

Il nous semble nécessaire de distinguer deux grilles de lecture pour traiter des répertoires d’action : la temporalité de l’action, d’une part, et le porteur de l’action, d’autre part.

Cela nous amène à dissocier l’action de l’acteur, le plaidoyer (praxis) du plaideur (praticien) et le lobbying (praxis) du lobbyiste (praticien). Une des chargées de plaidoyer rencontrée nous a confié que la différence entre le lobbyiste et le plaideur ne se situe pas tellement dans les méthodes de travail :

« On a une feuille de route, comme une entreprise. La plus grosse différence entre nos deux métiers c’est le financement : on doit définir nos sujets, nos objectifs pour obtenir les financements. »[42] et [43]

L’emphase sur l’origine des financements est intéressante car elle révèle le prisme d’observation de la vie publique. Certaines ONG se perçoivent (et se présentent) notamment comme des « watchdog » ou « gardiens »[44] Cela étant, le rôle d’observateur n’est pas un apanage exclusif des « plaideurs » (ou « chargés de plaidoyers »). Les « lobbyistes » sont susceptibles d’endosser un tel rôle. Aussi des cabinets de conseil publient-ils des lettres d’information et d’analyse de la vie publique — tandis que des entreprises financent des observatoires (voire de la recherche). Finalement, le critère de « l’observateur » qui analyse et étudie les activités de représentation d’intérêts n’a pas d’impact direct sur les méthodes et les outils du lobbyiste ou du plaideur :

« Je ne vois pas mon travail différemment entre plaidoyer et lobbying. Je représente les intérêts d’une organisation. On ne peut pas dire que je représente les intérêts des citoyens : on a aussi un agenda et des comptes à rendre sur le plaidoyer que je veux faire et que je déploie. »[45]

En ce qu’ils mobilisent des outils similaires et donc techniquement compatibles, il ressort qu’ONG et acteurs économiques sont susceptibles de travailler ensemble. C’est par ailleurs le cas à Bruxelles. Un ancien collaborateur parlementaire d’un député européen et ancien lobbyiste bruxellois arrivé à Paris, nous le confirme[46] :

« Les grandes marques et les grandes entreprises sont là depuis plus d’un siècle, elles ont résisté à deux guerres : elles veulent continuer d’être là en proposant une vision à trente ou cinquante ans. On a travaillé énormément avec les ONG au niveau européen. On s’est mis d’accord avec le BEUC[47] sur les 10 principes d’information du consommateur. Par exemple, il ne sert à rien de multiplier les logos, ils ne sont pas connus. Mais il faut de la stabilité et de la cohérence. On avait aussi fait un évènement avec les ONG et des parlementaires : les parlementaires avaient adoré et avaient repris des amendements. On a réussi des choses formidables avec Oxfam, Behind The Brain, WWF. On pouvait vraiment travailler avec eux et valoriser ce qu’on faisait ensemble. »

Plus encore, une personne chargée des affaires juridiques d’une association œuvrant pour la transparence de la vie publique nous confiait que pour cette association « le lobbying [pour nous] vise surtout à renouveler notre agrément. »[48] En sommes reprenant les propos de ce même interlocuteur, entre les actions de lobbying et les actions de plaidoyer, « les outils sont similaires mais les causes sont différentes. »[49]

Trois outils sont classiquement utilisés :

  • Les cartographies pour identifier quels décideurs travaillent sur quels sujets,
  • Les notes argumentaires[50] pour soutenir une position ou une proposition sur telle ou telle disposition en débat,
  • Les propositions d’amendements pour faire connaître sans ambigüité la transcription juridique de la mesure défendue.

Ces trois outils sont perçus positivement par les parlementaires rencontrés et notamment la députée Marie Lebec, ex-rapporteure thématique du projet de  loi PACTE, et la sénatrice Marta de Cidrac, ex-rapporteure de la loi AGEC et actuelle rapporteure de la loi Climat & Résilience. En cohérence avec sa position lors du colloque sur le lobbying organisé les 15 et 16 mai 2019 à l’Assemblée nationale, Marie Lebec est favorable au travail de cartographie regrettant que des « représentants d’intérêts demandent un rendez-vous sur un sujet qui n’est pas traité par le parlementaire. »[51] Elle soutient de la même manière le travail d’argumentaire, soutenant « [qu’]en tant que parlementaire, sans lobbyistes qui avancent leurs arguments, je ne peux pas avancer dans mon travail. »[52]

Enfin, concernant la proposition d’amendements législatifs, ni la députée ni la sénatrice ne s’en sont émues. Marta de Cidrac précise que « les textes de loi deviennent très techniques. »[53] Face à la technicisation des lois, la sénatrice observe :

« Certains utilisent l’outil de la proposition d’amendement de façon très professionnelle, certains parfois et d’autres pas du tout. Lorsque c’est bien rédigé et bien fait, on sent que c’est professionnel, que ce sont des gens qui ont travaillé l’article, le code et la méthode. »

Finalement loin de reprocher aux lobbyistes de proposer des rédactions et des formules d’amendements, la sénatrice rappelle qu’en tant que rapporteure ou parlementaire « vous êtes libre : vous vous bâtissez votre propre approche du texte ».[54] Plus encore, la sénatrice, qui a rapporté deux lois (l’une abandonnée, la seconde adoptée) et est rapporteure d’une troisième, observe que les propositions d’amendements viennent tant des ONG que des acteurs économiques.[55]

La proposition de rédaction d’amendement est donc valorisée ; là où la manœuvre peut aussi être critiquée. La députée Delphine Batho avait ainsi accusé, à la tribune de l’Assemblée nationale, l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) de s’être procuré frauduleusement son amendement sur l’interdiction du glyphosate, plusieurs jours avant que celui-ci soit diffusé aux parlementaires.[56] Précisons que l’Assemblée nationale a procédé aux vérifications nécessaires, n’ayant pas conclu à la culpabilité de l’UIPP.

Cela étant, est ressorti de nos différents entretiens que l’une des différences structurantes entre le plaidoyer et le lobbying est la technicité de la position. Le plaidoyer arbore une position intelligible du grand public quand le lobbying est dans une démarche technique. En d’autres termes, en tant qu’activités (et donc indépendamment de la qualité des acteurs et des organisations, le plaidoyer vise la promotion d’un principe avec un objectif politique tandis que le lobbying mobilise des compétences techniques (telles que la légistique et la procédure parlementaire) pour traduire en droit — et donc en action publique — les positions plaidées.

De là ressort une seconde distinction : le plaidoyer en tant qu’activité (et non en tant que document proprement dit), « plaider », s’adresse tour à tour au grand public (obtenir le soutien)et aux responsables politiques (faire mettre à l’agenda) ; tandis que le lobbying s’adresse principalement au décideur public (légiférer).

Il nous semble opportun de clarifier les expressions de « responsable politique » et de « décideur public ». Nous entendons par la première les élus (locaux, parlementaires, présidentiel, et ainsi de suite) et leur écosystème (cabinets, conseillers, collaborateurs, administrateurs et haute administration). Il s’agit de personnalités ayant atteint un certain niveau d’influence politique et de présence dans le débat public. Cette influence et cette présence sont légitimées par le mode électif d’accès à la charge public pour les élus. Ces mêmes influences et présences trouvent leur légitimité dans la confiance que leur accordent les dépositaires de charges publiques. Nous définissons ainsi par responsables politiques, celles et ceux en mesure de soutenir la mise à l’agenda (policy window) d’un problème public.

La seconde expression, « décideur public », traite moins de la capacité d’ouvrir une policy window que du rôle dans la décision publique c’est-à-dire dans la transcription en action publique de la réponse plaidée à tel ou tel problème public. En d’autres termes, nous traitons par cette expression du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire. Ou pour mieux dire, des personnes capables de définir le cadre normé d’une politique publique.

D’un mot, nous distinguons chez les « responsables publics » au sens de la loi Sapin II la capacité politique (responsable politique), d’une part, du pouvoir normatif (décideur public), d’autre part.

2. — Des boîtes à outils spécifiques pour le plaideur et le lobbyiste

La capacité des ONG et des acteurs économiques à coopérer ne signifie pas que leurs répertoires d’action soient absolument congruents. Et si les représentants d’intérêts — qu’ils se revendiquent plaideurs ou lobbyistes — tendent même à gommer les différences, lobbying et plaidoyer ne recouvrent pas strictement le même périmètre de public et le même champ d’action.

Mobilisation collective ou encore les class actions : un répertoire d’action principalement exploité dans le plaidoyer… au-delà du « pôle ONG »

Lorsque le représentant d’intérêts est fondé à mener des class actions[57], il se s’agit de lobbying ni de plaidoyer mais bien plutôt de plaidoirie. Plus que plaideur, il devient même plaidant (défendeur ou requérant) c’est-à-dire qu’il plaide devant le juge. L’enjeu n’est alors pas de modifier la norme écrite (« hard law ») mais d’infléchir le droit par la jurisprudence. L’un des outils propres du plaideur est donc l’action en justice. C’est notamment ce que plusieurs ONG environnementales ont réalisé en 2020/2021 avec « l’Affaire du Siècle » : une initiative qui souligne un second outil propre au plaidoyer, à savoir la mobilisation citoyenne et l’activisme auprès du grand public.

L’Affaire du Siècle a été initiée par quatre « organisations de protection de l’environnement et de solidarité internationale : Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme (FNH), Greenpeace France et Oxfam France. »[58] Ce collectif de « co-requérantes » constitue pour ainsi dire la pointe de la fusée.

Le second étage est la réunion d’experts pour appuyer techniquement le dossier porté par les co-requérantes.

Le troisième étage est l’élargissement du collectif à travers deux cercles d’alliés :

  • une coalition d’associations intervenantes et donc les conclusions ont été remises au juge administratif, composée outre les quatre associations co-requérantes, de la Fondation Abbé Pierre, de la Fédération nationale d’agriculture biologique, de France Nature Environnement (FNE) et d’Anper-Tos.
  • une coalition de soutiens, formée par de très nombreuses associations nationales et internationales à vocation environnementale ou solidaire.[59]

Le quatrième étage de la fusée, qui constitue le socle d’activation opérationnel du collectif, est la mobilisation citoyenne par voie de pétition. C’est le cœur du réacteur, susceptible de générer une poussée suffisante pour mettre l’Affaire du Siècle en orbite juridictionnel. Et quelle poussée : plus de 2 millions de citoyens ont signé la pétition en ligne.

En tentant de mobiliser directement le grand public au-delà des publics militants et activistes, en saisissant la justice et en exploitant les textes de droit en vigueur, en plaidant devant le juge administratif, le collectif a mené une véritable campagne de sensibilisation, d’information et d’action. Ce qui est bien différent des outils ordinaires utilisés dans des activités de lobbying, entendons les activités liées aux lobbies du Parlement et des ministères. La campagne s’est d’abord conduite au sein d’un champ social déterminé (les ONG environnementales et solidaires), faisant appel à des experts du droit plus que des institutions politiques (avocats, professeurs, juristes) avant de s’ouvrir au grand public (pétition) pour rester en justice (action). Plus encore, obtenant gain de cause, le collectif a fait condamner l’État pour « carences fautives. »[60] Cette victoire en justice (donc en plaidant, en défendant une cause) renforce le champ des arguments à la disposition des ONG environnementales… particulièrement dans le moment législatif opportun de débat sur le projet de loi climat et résilience.

Prenons l’exemple de la vente alimentaire dite « en vrac ». Le plaidoyer vise le développement du vrac et sollicite de l’action publique pour qu’elle contraigne vers davantage de produits vendus en vrac. Le plaidoyer appelle diverses formes de mobilisation telle qu’une pétition contre les « emballages démesurés ».[61] Dans le même temps, les plaideurs se mobilisent sur la loi climat et résilience pour soutenir le développement du vrac (et promouvoir la lutte contre les déchets, par extension contre le gaspillage des ressources). Le plaidoyer se transforme alors en lobbying : développer le vrac en fixant légalement une surface minimale de vente dédiée au vrac.[62]

Il est intéressant de noter que la mobilisation collective voire citoyenne n’est pas l’apanage des ONG. Ainsi, en 2019, la Fondation Ramsay Santé lançait sur Make.Org une consultation intitulée « Comment inciter les jeunes à mieux prendre soin de leur santé ? ». Avec plus de 52 000 participants, la consultation participative a permis de faire émerger plusieurs centaines de propositions nourrissant le plaidoyer de cette fondation d’entreprise.[63] Sur la même plateforme, plusieurs consultations publiques ont bénéficié du soutien de nombreuses entreprises pour plaider en faveur des propositions soutenues et contribuer à leur mise en œuvre.

Tableau 3. Deux exemples de consultations publiques à grande échelle hébergées par Make.Org et organisées par des organisations principales privées et à but lucratif

Ces trois exemples montrent ainsi que l’outil de mobilisation collective est tout à fait utilisable et utilisé par les entreprises (que ce soit en nom propre ou à travers leur fondation). Plus encore, en s’engageant dans la promotion des solutions plébiscitées, ces entreprises se positionnent davantage dans le champ du plaidoyer que du lobbying. En effet, les actions à conduire issues de ces démarches ne sont pas toutes de nature à se traduire en actions de lobbying. Car, en d’autres termes, toutes les actions ne relèvent pas de la compétence du législateur.

Ainsi, la « construction de programmes courts de sensibilisation du grand public au rôle d’aidant »[66] relève davantage des actions de sensibilisation tant du grand public que des responsables politiques. L’un des enjeux de ce thème est de parvenir à reconnaître formellement, dans la société, le rôle de proche-aidant. À l’heure de la consultation (2019), l’enjeu est donc plutôt de plaider pour mettre à l’agenda la reconnaissance de ce statut afin d’ouvrir des fenêtres d’opportunité (policy window) notamment par la révision de la loi « d’adaptation de la société au vieillissement ».[67]

L’analyse des outils propres au plaidoyer et au lobbying nous conduit à deux conclusions intermédiaires. Les outils propres au plaidoyer sont plus nombreux que ceux propres au lobbying, d’une part. Plus encore, les outils propres au lobbying sont employés sans distinction que l’on se revendique lobbyiste ou plaideur. D’autre part, les outils de plaidoyer, hier utilisés par les associations et ONG employant des chargés de plaidoyer ou de campagne, sont désormais utilisés aussi par des sociétés commerciales (employant des chargés d’affaires publiques ou de relations institutionnelles).

En d’autres termes, les outils du plaidoyer et du lobbying se distinguent ; mais leur usage ne permet plus de différencier strictement le « plaideur » associatif du « lobbying » des secteurs économiques. La distinction se fait davantage sur la temporalité, le registre et le public ciblé :

Tableau 4. Caractérisation de deux idéaux-types « plaidoyer » et « lobbying » nuancés par l’existence d’une zone grise étendue et protéiforme entre les deux types d’activités

« L’interstice entre les deux idéaux-types » est protéiforme et est en réalité une conceptualisation vague de l’espace d’influence et d’interaction entre les lobbyistes, les plaideurs et les citoyens en général, d’une part, et les pouvoirs publics, d’autre part. La particularité de ces espaces d’exercice d’influence sur la décision publique est que la contribution peut être expressément attendue (c’est le cas des consultations du ministère chargé de l’environnement réalisées au titre de l’article 7 de la charte de l’environnement de 2004 ou au niveau européen des observations fournies dans le cadre du dispositif « Tris »).

Mais dans ce même espace, des contributions ont pu devenir des pratiques telles que les amicus curiæ (appelées « portes étroites » par le Doyen Vedel) qui permettent aux tiers (c’est-à-dire tout le monde à l’exception des requérants et du gouvernement) de participer à la fabrique de la décision publique.[68]

Un autre espace est la conséquence de l’évolution du concept de « responsabilité de l’État » et du développement d’une véritable structure juridique et juridictionnelle dédiée à la résolution des contentieux entre toute personne et l’État. Ce fut le cas avec la pétition dite « l’Affaire du Siècle ». En attaquant l’État pour l’insuffisance de son action dans la lutte contre le changement climatique, les associations requérantes ont saisi la voie de recours administratif pour tenter de contrer l’action du gouvernement.

La zone grise recouvre a minima les formes de participation (contribution de acteurs tiers sollicitée par le décisionnaire), de contribution volontaire (contribution adressée à l’initiative du contributeur et potentiellement admise voire prise en compte par le décisionnaire) ou de recours (mise en cause par voie contentieuse de l’action publique pour tenter de contraindre l’État dans ses voies et moyens) à la fabrique de la norme en-dehors de la procédure parlementaire et de la négociation des décrets et des arrêtés.

La zone grise est donc autant un espace de mobilisations variées qu’un espace charnière entre le plaidoyer et le lobbying : le plaidoyer de l’Affaire du Siècle a contribué à la notoriété importante de la décision du juge administratif tandis que les requérantes ont participé activement aux débats législatifs sur la loi Climat & Résilience débattue à l’Assemblée nationale au cours du premier semestre 2021.

En somme, la zone grise regroupe (au-delà des formes d’action que nous avons souhaité souligner) toutes les formes d’action visant à avoir un impact sur la décision publique en-dehors des registres d’action du plaidoyer et du lobbying que nous avons pu analyser au fil de cette étude. Toutefois, cette zone grise est partie intégrante de l’articulation entre le lobbying et le plaidoyer, en ce qu’elle représente un potentiel immense d’opportunités de participation au débat public en-dehors des cadres réglementés par la loi Sapin II et le décret d’application concernant les représentants d’intérêt.

Quelques réflexions d’ouvertures sur les cabinets de conseil et la mondanité : l’apanage des milieux d’affaires ?

Par ailleurs, nous observons que les cabinets de lobbying sont essentiellement associés aux milieux d’affaires, quoique la nature et la taille de leurs clients soit de plus en plus variable. Hier, les « blueships », le CAC 40 et les grandes fédérations, aujourd’hui les ETI, les TPE/PME et les associations professionnelles plus confidentielles. Il est plus rare qu’une ONG soit cliente d’un cabinet de conseil. En revanche, les cabinets exploitent la tradition des avocats (des plaidants) du pro bono pour mettre au service d’associations aux causes variées l’expertise de leurs collaborateurs. Ainsi, le cabinet apparaît comme un outil étroitement lié aux milieux d’affaires. Mais pourtant, nous nous gardons bien de parler d’exclusivité. En effet, les entretiens et l’expérience montrent bien qu’il existe aussi une porosité réelle entre le monde du conseil et le pôle ONG.

Pratiquant une rapide archéologie des méthodes, un outil informel bien connu mais peu cité en tant que tel peut être rappelé : les mondanités (notamment Chez Françoise ou au Bourbon)[69] . Guillaume Courty d’observer : « je serais étonné que le culte mondain et du serrage de mains soit aussi pratiqué par les ONG. »[70] Il ressort en effet que l’image d’Épinal des dorures et des ors de la République restent un attendu des milieux d’affaires engageant des actions de lobbying. Pour autant, certaines passerelles entre la sphère politique et le pôle ONG[71] pourraient nous surprendre quant aux « mondanités » (telles que les petit-déjeuner, déjeuners et dîners) propres aux relations entre les milieux associatifs et entrepreneuriaux environnementaux et les nouveaux occupants des lieux de pouvoirs.

3. — Le cas d’étude du lobbying territorial

Le lobbying territorial recouvre des actions multiniveaux en essayant de convaincre et influencer des décisions nationales, voire européennes ou internationales en utilisant les acteurs publics territorialisés comme potentielles courroies de transmission (par le biais des réseaux d’élus comme à travers le canal « administration déconcentrée-administration centrale ») . Cela étant, s’adresser aux décideurs publics locaux peut aussi poursuivre un objectif de décision locale.

Dans l’étude du lobbying territorial, la question se pose de considérer les associations d’élus ou de collectivités comme des représentants d’intérêts ou non. Les collectivités sont regroupées à travers une vingtaine d’associations fondées sur les spécificités de leurs territoires, comme l’Association des maires de France (AMF), l’Association des Régions de France ou encore l’Association des Elus de la Montagne (ANEM). Toutes défendant les intérêts particuliers des territoires qu’elles représentent.

Comme le souligne Sébastien Guigner, l’un des succès de ces groupements est précisément d’avoir obtenu que les « associations représentatives d’élus » soient exclues de la définition des représentants d’intérêt, dans la loi Sapin 2 sur le fondement que si elles ont effectivement le même objet que tout représentant d’intérêts, leur légitimité démocratique — bien qu’indirecte — les classe à part.[72]

En pratique, selon Sébastien Guigner[73], sur les territoires, la représentation d’intérêts diffère par les institutions ; les territoires dont la logique d’influence est pleinement différente de celle de Paris et de Bruxelles avec une cartographie d’acteurs plus hétérogènes et des coalitions à différents échelons ; et le jeu des compétences des collectivités. Dès lors, chaque territoire est politiquement et institutionnellement différent d’un autre, ce qui rend le jeu d’influences et de convictions d’autant plus singulier pour l’équilibre du lobbying et du plaidoyer dans les territoires. Sur la thématique même des sujets environnementaux, la représentation d’intérêts est a fortiori transversale, dès lors que l’échelon local concrétise de nombreux sujets en simultanée qui vont avoir un impact sur l’environnement, de près ou de loin.

De plus, à l’échelon local, nous retrouverons une concentration plus diffuse des parties prenantes : les associations environnementales et les ONG devant opérer aux côtés des associations de riverains ou spécifiques à des sujets locaux qui vont, ensemble, jouer le rôle d’opposition, pour assurer un équilibre dans les affaires publiques. C’est le cas par exemple du mouvement des « cantines sans plastiques »[74], né autour d’associations de parents d’élèves, comme à Bordeaux en 2017, qui s’est diffusée dans les territoires en France. Ce qui a permis par la suite de structurer le mouvement avec l’association nationale à but non lucratif, du même nom, fondée en janvier 2018, réunissant des parents d’élèves et toutes les personnes, collectifs ou associations, mobilisés autour des risques sanitaires liés à l’usage des plastiques dans la restauration scolaire. En plus d’associer par la suite des associations environnementales et des ONG, le mouvement, en prenant de l’ampleur, a pu porter ses propositions dans le cadre des promesses de campagnes des candidats aux élections municipales en 2020.

À noter également, selon Diane Beaumenay-Joannet chargée de plaidoyer et campagne déchets aquatiques chez Surfrider Europe que l’ancrage territorial permet également de donner du sens aux actions d’affaires publiques. En effet, certaines associations environnementales pouvant compter sur leurs adhérents et bénévoles pour alimenter les données scientifiques de la représentation d’intérêts, ou encore contribuer aux consultations publiques locales. Cette présence dans les territoires sera d’autant plus importante pour les associations environnementales, telle que Surfrider Europe, afin de jouer un rôle de « lanceur d’alerte » pour l’environnement et se porter garant sur la mise en œuvre des mesures législatives et réglementaires à l’échelon local.[75]

Enfin, la représentation d’intérêts à l’échelon territorial peut s’illustrer avec des actes de désobéissance civile, en lien avec la notion de lobbying citoyen (cf infra IV.A.2).

C. — L’impact de la nature organisationnelle sur la communication publique des positionnements

Dans le cadre des débats relatifs à la feuille de route économie circulaire (FREC) puis au projet de loi AGEC, nous avons analysé le positionnement de plusieurs organisations relevant du pôle ONG, d’une part, et du pôle fédérations professionnelles, d’autre part. En termes de sélection, les organisations retenues l’ont été sur la base de la liste des intervenants devant la Convention Citoyenne pour le Climat.[76] Ainsi, nous avons a priori retenu les organisations suivantes :

Tableau 5. Organisations des pôles « ONG » et « Fédérations » retenues pour réaliser l’analyse de discours selon la nature de l’organisation dans le cadre des débats sur la loi AGEC

Nous précisons que cette sélection a pu ne pas s’avérer pleinement satisfaisante considérant le projet de loi AGEC, concentré sur la problématique de l’économie circulaire. Cela étant, l’analyse a permis de dégager quelques tendances intéressantes quant à la contribution du pôle ONG et du pôle Fédération aux débats législatifs, lesquels constituent des opportunités de dialogue entre les deux pôles, ainsi que notre entretien avec la députée Marie Lebec a pu le confirmer :

« Le rôle du parlementaire, par la construction de la loi, est de pouvoir faire se rencontrer plaideurs et lobbyistes : prendre en compte les revendications des associations et les besoins des entreprises. »[77]

Marie Lebec, députée LaREM des Yvelines, membre de la commission des finances

La vue panoramique de la publicité des contributions des organisations citées au débat AGEC révèle que :

  • parmi les 8 ONG, 6 ont communiqué publiquement sur leur position relative à au moins une mesure ou un article du projet de loi AGEC et il s’agit de : Fondation Nicolas Hulot (FNH), Greenpeace, Amis de la Terre, WWF France, Zero Waste France (ZWF) et Fédération Nature Environnement (FNE) ;
  • parmi les 8 fédérations, 4 ont communiqué publiquement, c’est-à-dire : FFB, CROA Ile-de-France, CPME & MEDEF.

L’échantillon étant relativement limité, nous convenons qu’il n’est pas significatif pour en déduire une quelconque tendance. Toutefois, l’échantillonnage réalisé semble confirmer notre intuition d’une tradition de plus grande discrétion de la part des représentants d’intérêts des milieux d’affaires par rapport aux ONG. Autrement dit, certains rendent leurs positions publiques tandis que d’autres les réserves aux décideurs ou aux publics rencontrés. Cela est aussi à mettre en rapport avec les activités des ONG, qui sont autant orientées vers les relations institutionnelles que vers les campagnes grand public. En d’autres termes, alors que les fédérations « s’auto-censurent »[78], la publicité des positions fait partie du répertoire d’action des ONG (à la fois pour informer ou dans le cadre de campagne de mobilisation). Cela étant, précisons que dans le cas des fédérations professionnelles, il y a bien publicité des positions mais à un degré intermédiaire entre les décideurs et le grand public en diffusant leurs positions aux membres ou au secteur concerné.

Lorsque nous analysons dans le détail la contribution des différentes organisations, nous constatons que les voies et moyens sont relativement similaires : articles de blog, communiqués de presse, relevés d’information. Nous pouvons toutefois souligner deux singularités : la publication par le collectif Zero Waste France, Surfrider, WWF, Tara Océan et France Nature Environnement d’un certain nombre de propositions d’amendements (ou « cahier d’amendements »), d’une part, et l’inscription dans le rapport annuel développement durable de la CPME des actions réalisées dans le cadre de la FREC (2018) et de la loi AGEC (2019), d’autre part.

Il ressort de l’échantillon analysé[79] que si le réflexe de la communication publique (communiquer ou ne pas communiquer) et son degré d’intensité (nombre de communications) sont potentiellement différents selon qu’il s’agisse du pôle ONG ou du pôle fédérations, in fine les media employés sont relativement similaires quoique chacun type d’organisation privilégie le medium le plus adapté en fonction de son audience principale. Ainsi, le rapport annuel est vraisemblablement choisi car à destination des adhérents, en forme de justification de l’action de la fédération, tandis que le cahier d’amendements est à la fois le résultat d’une coalition conclusive sur un certain nombre de mesures et cohérent avec les engagements en matière de transparence.


L’essentiel « du rôle et de l’influence dans les dynamiques décisionnelles publiques en matière environnementale »

Les lobbyistes et les plaideurs constituent des interlocuteurs et des acteurs évidents du débat public. Leurs audiences cibles sont les mêmes dès lors que l’on est en phase de « décision publique » — c’est-à-dire le décideur.

> Le cadre temporel (quand), humain (à qui) et informationnel (quoi) du lobbyiste et du plaideur sont similaires. Il s’agit de répondre aux questions : quels messages souhaité-je faire passer ? quelles sont les interlocuteurs pertinents ? est-ce le moment opportun ?

> Au-delà de la question du « praticien », il apparaît en termes de pratiques que tout représentant d’intérêts est amené à successivement « plaider » et « faire du lobbying ». La distinction se faisant dans le niveau de technicité du message et sur le destinataire.

> Le plaidoyer exprime une position sur un enjeu donné. Il vise à faire comprendre à une cible large d’acteurs et d’observateurs d’un débat public les enjeux et ses positions.

> Le lobbying quant à lui est davantage ancré dans le processus décisionnel et d’action publique, avec une approche plus technique ou juridique, visant moins à faire comprendre à une audience élargie qu’à convaincre un public ciblé : les décideurs publics. > Les outils et méthode du plaideur et du lobbyiste se rapprochent, notamment car précisément le lobbyiste et le plaideur peuvent tous deux être amenés à faire du plaidoyer (à plaider) et du lobbying.

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[1] O. LE PICARD, N. BOUVIER , J-C. ADLER, Adler, Jean-Christophe. Lobbyi Lobbying. Les règles du j Lobbying. Les règles du jeu. Paris. 27 Organisation. 2000. 222 p.

[2] Entretien du 5 mars 2021 d’un ancien conseiller politique d’un cabinet ministériel du Ministère de la transition écologique, travaillant désormais en tant que responsable environnement d’une entreprise

[3] Entretien avec Marie Lebec, op. cit.

[4] Dominique Wolton décrit assez clairement le lien entre communication et démocratie, et ce qu’il appelle le « triangle infernal » : journalistes, hommes politiques et opinion publique — un triangle infernal confronté d’abord à la radio et à la télévision, puis à Internet avec la généralisation de l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. V. D. WOLTON, « Chapitre 7. Le triangle infernal : journalistes, hommes politiques et opinion publique », Penser la communication, Flamarion, coll. « Champs Essais », Paris, 1997

[5] Rapport de Transparency International France, « Le lobbying doit encore être mieux encadré pour rester au cœur de la démocratie sans la menacer », coordonné par E. Foucraut, p.45, 2019 

[6] P. ROSANVALLON, Le bon gouvernement, Seuil, 2015

[7] H. MICHEL , « Promesses et usages des dispositifs de transparence : entre approfondissement et redéfinition de la démocratie », Revue française d’administration publique, vol. 165, no. 1, 2018

[8] Tribune L. MAZILLE& F. ALEXANDRE, « attention à la tyrannie de la transparence », publiée dans Les Echos le 30 mars 2016, accessible via ce lien

[9] Tribune LL, KALOGEROPOULOS, « la transparence absolue n’est pas l’intérêt général » publiée dans le Journal du Dimanche, le 17 août 2019 accessible via ce lien

[10] Article Communication & Institutions, « Le sourcing des amendements dans la loi économie circulaire en un coup d’œil », 20 décembre 2019, accessible via ce lien

[11] WASERMAN S., tribune « Lobbying : « Pour des pratiques radicalement nouvelles et volontaristes en matière de transparence » », signée par 322 députés et publiée dans Le Monde le 9 octobre 2019, accessible via ce lien

[12] G. DUTHEIL , article « Covid-19 : les compagnies aériennes essuient 100 milliards d’euros de pertes en 2020 », Le Monde,  25 novembre 2020, accessible via ce lien

[13] La European for Transport and environnement, cinquième groupe de lobbying le plus présent à la Commission européenne, regroupe de nombreuses associations écologistes à travers l’Europe, dont certaines sont en parties financées par le secteur ferroviaire.

[14] Propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat « Se déplacer – Objectif E : limiter les effets néfastes du transport aérien », accessible via ce lien

[15] 20 avril 2020, courrier intitulé « vos actions de lobbying pendant la crise du coronavirus »

[16] Rapport des Amis de la Terre et de l’Observatoire des Multinationales, « Lobbying : épidémie cachée », rédigé par O. Petijean avec la contribution de J. Renaud, juin 2020

[17] Tribune COMBE E., CHIAMBARETTO P., « Suppression des lignes aériennes domestiques : où est la concurrence ?, publiée dans la rubrique « Opinion » Les Echos le 17 Juillet 2020, accessible via ce lien

[18] La Chaire Pégasse est une structure universitaire en partie financée par l’industrie aéronautique, ADP et Air France

[19]Tribune « Non à l’écotaxe sur le transport aérien !», signée par un collectif de 36 députés, publiée dans La Tribune le 1er octobre 2020, accessible via ce lien  

[20] B. PICARD , « Cesser « l’avion-bashing » et la « tentation du bouc émissaire » pour « construire l’aviation de demain » », publiée dans le Journal du Dimanche, le 3 octobre 2020, accessible via ce lien

[21] C. PELTIER , « Pour la DGAC, la Convention Citoyenne menace plus de 120 000 emplois dans l’aérien », Echo touristique, publié le 11 septembre 2020, accessible via ce lien

[22] Réseau Action Climat « Convention Citoyenne pour le Climat : le réseau action climat appelle le gouvernement à reprendre sans filtre les propositions des citoyens et boycotte un processus de concertation biaisé » communiqué du 15 septembre 2020 accessible via ce lien

[23] « Plan de relance : 250 organisations dénoncent le lobbying de l’aviation », Reporterre, 6 avril 2020, accessible via ce lien

[24] Pétition « Non au sauvetage incodnitionnel du secteur aérien », accessible via ce lien

[25] Notre Choix : penser l’avion autrement, accessible via ce lien

[26] Dans le cadre du PLFR3, l’amendement déposé par le groupe LREM portant sur l’éco-conditionnalité des aides publiques versées aux grandes entreprises a été adopté. Celui-ci ne prévoit toutefois aucune sanction en cas de manquement. Les ONG environnementales soutenaient au contraire un amendement porté par la France insoumise et le groupe Ecologie Démocratie Solidaire, plus ambitieux et contraignant.

[27] Lettre ouverte d’associations environnementales pour une éco-conditionnalité des aides publiques aux grandes entreprises, adressée au Premier ministre et signée par  CCFD – Terre solidaire, Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), Greenpeace France, Les Amis de la Terre France, Oxfam France, Réseau Action Climat WWF France, lettre accessible via ce lien

[28] La compagnie estime notamment à 10 millions d’euros de perte journalière l’arrêt de son activité, des coûts induits par le stockage et la maintenance courante des avions

[29]Pour les prêts garantis par l’Etat supérieurs à trois millions d’euros, l’instruction du dossier de demande fait intervenir trois acteurs : le siège de l’autorité bancaire sollicitée, Bpifrance et la direction du Trésor. La décision finale est prise par arrêté du ministre de l’économie et des finances.

[30] Cette mesure consiste à convertir le prêt direct de l’Etat de 3 milliards d »euros en instruments obligataire hybride perpétuel (Titres super subordonnés) et permettre une augmentation de capital, d’un montant maximum d’un milliard d’ueros, ouverte en priorité aux actionnaires existants. Cette opération permet d’améliorer les fonds propres de la compagnie aérienne sans impacter sa trésorerie. L’Etat français est ainsi devenu le premier actionnaire du groupe, avec 29.9% des parts.

[31] Lettre ouverte à l’intention du ministre de l’Economie et des Finances, M. Bruno Le Maire signée par Oxfam France – Cécile Duflot, directrice générale ; Eric Beynel, porte-parole de l’Union syndicale Solidaires ; Sandra Cossart, directrice de Sherpa Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre France ; Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France ; Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT ; Lucie Pinson, directrice générale de Reclaim Finance ; Benoit Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU) ; Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac France, « « Il faut absolument empêcher les entreprises de verser des dividendes en 2020 », accessible via ce lien

[32] Courrier CFDT, CGT,FO, CFE-CGC, CFTC adressé au Premier ministre, pour demander à l’exécutif de revoir sa copie sur plusieurs dossiers-phares, comme le plan de relance ou l’assurance chômage, en date du 14 octobre 2020, accessible via ce lien

[33] Afep, Communiqué de Presse, « Les grandes entreprises françaises et le Covid 19 », publié le 29 mars 2020, accessible via ce lien

[34] Dont le titre actuel est « projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets »

[35] Observatoire des multinationales, rapport « Lobbys contre citoyens Qui veut la peau de la convention climat ? » publié en février 2021, accessible via ce lien

[36] Site de la Convention Citoyenne pour le Climat « Les intervenants à la Convention Citoyenne pour le Climat » accessible via ce lien

[37] Analyse de la startup Dixit « Retour sur l’examen du PJL Climat en commission spéciale »,22 mars 2021 accessible via ce lien

[38] Ce taux est à mettre en perspective avec le taux d’irrecevabilité au Sénat, bien moindre, qui invite également à réfléchir sur le traitement fait à l’Assemblée Nationale.

[39] De jure, les articles 34 et 38 consacrent les domaines de la loi et du règlement, soit par extension les domaines respectifs du Parlement et de l’administration par l’intermédiaire du gouvernement.

[40] M. Clamen, « Lobbying : de l’histoire au métier » in Géoéconomie, éditions Choiseul, 2014 (vol. 5), n° 72, pp. 165 à 182

[41] Entretien avec Guillaume Courty, op. cit.

[42] Entretien du 5 mars 2021 avec une chargée de plaidoyer au niveau européen dans une ONG environnementale internationale, présente notamment en France et à Bruxelles.

[43] Précisons qu’un chargé d’affaires publiques au sein d’une entreprise aura aussi à charge de démontrer qu’il est « rentable » pour son entreprise, comme le souligne Guillaume Courty.

[44] Entretien du 5 mars 2021, op. cit.

[45] Entretien du 5 mars 2021, op. cit.

[46] Entretien du 18 mars 2021 avec le directeur des affaires publiques d’une fédération française, anciennement collaborateur parlementaire au Parlement européen et directeur des affaires publiques d’une fédération européenne

[47] Bureau européen des unions de consommateurs. Consulter la déclaration sur le registre européen de transparence : https://ec.europa.eu/transparencyregister/public/consultation/displaylobbyist.do?id=9505781573-45

[48] Entretien du 25 janvier 2021, avec un chargé d’affaires juridiques d’une association engagé pour la transparence de la vie publique.

[49] Entretien du 25 janvier 2021, op. cit.

[50] Confer supra

[51] Entretien du 22 mars 2021 avec la députée LaREM des Yvelines Marie Lebec, membre de la commission des finances, ancienne commissaire aux affaires économiques et ancienne rapporteure de la loi PACTE notamment sur le volet de l’innovation et des brevets. Précisons que Marie Lebec est consultante en affaires publiques de profession.

[52] Entretien du 22 mars 2021 avec Marie Lebec, op. cit.

[53] Entretien du 9 avril 2021 avec Marta de Cidrac, op. cit.

[54] Entretien du 9 avril 2021 avec Marta de Cidrac, op. cit.

[55] Une personne responsable de plaidoyer souligne : « À cet égard la rapporteure de Cidrac a une approche très intéressante : elle rencontre tout le monde, s’inspire des propositions, mais formule ses propres amendements. »

[56] « Glyphosate : Delphine Batho accuse l’Union des industries phytosanitaires d’avoir eu accès à son amendement « 90h avant » les députés », France Info, 23 mai 2018 ; accessible via ce lien

[57] C’est-à-dire à ester en justice pour le compte de nombreuses personnes intéressées.

[58] Page « Qui sommes-nous ? » du site Internet de L’Affaire du Siècle. Consultée le 11 avril 2021 à 19h15. Accessible en ligne : https://laffairedusiecle.net/qui-sommes-nous/

[59] Citons notamment, sans exhaustivité : Réseau Action Climat, Climates, ATD Quart Monde, Générations Futures, L214, Coalition Eau, Colibris, Les Amis de la Terre, Halte à l’obsolescence programmée, …

[60] Décision du tribunal administratif de Paris, 3 février 2021

[61] Page « Emballages démesurés : stop aux produits pleins de vide ! » sur le site de Foodwatch, consulté le 11 avril 2021 à 20h07. Accessible en ligne : https://www.foodwatch.org/fr/sinformer/nos-campagnes/transparence-et-scandales/arnaques-sur-letiquette/petition-plein-de-vide/

[62] Notons qu’alors la grande distribution répond à la mesure (lobbying) en s’adressant au grand public pour justifier son hostilité à la mesure (plaidoyer) auquel répond le Réseau Action Climat (débat public). Voir « Projet de loi climat : 20% de vrac dans les supermarchés d’ici 2030, la mesure qui fâche la grande distribution » sur Europe 1. Accessible en ligne : https://www.europe1.fr/societe/projet-de-loi-climat-le-texte-instaure-20-de-vrac-dans-les-supermarches-dici-2030-4035234

[63] Sur le statut de fondation d’entreprise, v. l’article 19 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat

[64] Sur le site about.make.org, consulté le 11 avril 2021 à 20h34. Accessible en ligne : https://about.make.org/about-aines

[65] Sur le site about.make.org, consulté le 11 avril 2021 à 20h34. Accessible en ligne : https://about.make.org/about-mieuxmanger

[66] V. supra : https://about.make.org/about-aines

[67] Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, révisée en 2016 (2 fois), 2018 et 2019

[68] Pour aller plus loin concernant le recours des groupes d’intérêts à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en tant que forme d’action collective auprès du juge constitutionnel, v. M. MILET (sous la dir.), A. BIGLIA, S. CADIOU, R. ESPINOSA, B. MOREL, T. PERROUD et R. VANNEUVILLE, « Groupes d’intérêts et contrôle de constitutionnalité en France depuis 2010. Conditions de « mobilisations constitutionnelles » et usages du recours QPC » in Titre VII, revue du Conseil constitutionnel, hors-série, octobre 2020, p. 16-31

[69] L’expérience tend à montrer que les principaux lieux informels et officieux du pouvoir se concentrent autour du Palais Bourbon. Nous n’avons pas identifié de lieu aussi symboliquement imprégné de la culture des relations d’influence autour du Sénat.

[70] Entretien avec Guillaume Courty, op. cit.

[71] Nous pouvons nommer Pascal Canfin, ancien DG de WWF France et actuel président de la commission environnement au Parlement européen, ancien ministre sous le quinquennat de François Hollande ou encore Cécile Duflot, ancienne ministre chargée du logement, à la tête d’Oxfam France et proche de la nouvelle génération de militants contre le changement climatique, ou encore Corinne Lepage, ancienne ministre et avocate de l’environnement. Parmi les cheffes d’entreprises, citons Lucie Basch, fondatrice de la startup de lutte contre le gaspillage alimentaire, à l’origine du plaidoyer pour sensibiliser aux dates de durabilités minimales (DDM), qui est parvenue à convaincre jusqu’au conseil nationale de l’alimentation (notamment son président Guillaume Garot, ancien ministre chargé de l’alimentation) et au ministère de la transition écologique de signer la charte sur les DDM.

[72] GUIGNER.S, « Lobbying territorial » in « Dictionnaire des politiques territoriales », pp. 327-333, 2020.

[73] Entretien du 8 avril 2021 avec Sebastien Guigner, Maître de conférences en sciences politiques rattachée au centre Emile Durkheim, Directeur du Master « Affaires publiques et représentation des intérêts » de Sciences Po Bordeaux et associé du cabinet de conseils en affaires publiques territoriales Territoria 

[74] Site du mouvement « cantines sans plastique » accessible via ce lien

[75] Entretien du 27 avril 2021 avec Diane Beaumenay-Joannet – chargée de plaidoyer et campagne déchets aquatiques chez Surfrider Europe

[76] Page web « Les intervenants » du site Internet de la Convention Citoyenne pour le Climat. Consultée la dernière fois le 14 mai 2021 à 16h02. Accéder en ligne : https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/intervenants/?s=08

[77] Entretien avec Mme Marie Lebec, op. cit.

[78] Entretien avec un chargé de communication et du réseau des adhérents au sein d’une association professionnelle, réalisé le 18 février 2021

[79] L’ensemble des sources textuelles utilisées sont versées en annexes.

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